
Son, sensation
Yoga Book Club chez Mirz Yoga, Novembre 2019
Mes premières expériences de méditation, je les ai vécues par le son, en club. Dans les soirées techno, on entend souvent dire que l’on entre en communion avec la musique, voire en transe. Se laisser aller aux vibrations, pulsations d’un système son puissant dans une boite : voilà ce qui m’animait. J’avais enfin trouvé une musique sur laquelle je pouvais faire danser les images que j’avais dans mon esprit, issues de visionnage de films expérimentaux. Le son m’a ouvert la porte vers ce qui se passe à l’intérieur, via l’extérieur.
La pratique du yoga me permet de répéter ce genre d’expérience, au rythme des pulsations du coeur, du souffle afin de cultiver une sensibilité toujours plus fine, d’être plus à l’écoute de mon corps-esprit ou en termes plus Katonah® : d’accorder mon instrument pour le faire jouer au sein de la symphonie de l’Univers.
The World is Sound — Nada Brahma : Music and the Landscape of Consciousness
Né à Berlin en 1922, Joachim-Ernst Berendt est l’auteur de plus d’une trentaine de livres, parmi lesquels le très primé The Jazz Book, sur l’histoire du Jazz. Il a participé à la mise en place de radios à Berlin Ouest, a organisé de nombreux festivals internationaux. Il est mort à Hambourg en 2000. J’ai découvert ce livre grâce à la Carte Blanche du Palais de Tokyo à Tomas Saraceno, fin 2018.
Ce livre part de l’idée, tout en la démontrant, que le monde est son. C’est ainsi un changement paradigmatique que l’auteur propose, dans la lignée d’autres chercheurs, philosophes, qui reconnaissent les limites de la vision dans la société occidentale contemporaine. En effet, l’ouïe, qui est pourtant le premier sens que le foetus développe dans le ventre de sa mère, n’est pas autant valorisé que la vue dans notre culture. Les écrits de Berendt donnent à voir et entendre le basculement conceptuel de la structure au rythme. Ainsi, ils proposent un voyage à travers les époques et les continents pour explorer les différentes traditions musicales, toujours en lien avec la sensibilité et spiritualité. Nourri par ses nombreux voyages à Bali, à Kyoto, dans le reste de l’Asie, aux Etats Unis et en Europe, il établit des liens entre les nouvelles connaissances scientifiques (quantique), le Tantrisme, la cybernétique, le Sufisme, le Jazz, la littérature afin de révéler l’importance que le son a.
Toutes les formes s’associent par des processus, toutes interrelations par des interactions, et les opposés sont unifiés par des oscillations. En physique quantique, la science qui a révolutionné notre vision de la réalité, les particules subatomiques sont reconnues en tant que simples patterns appartenant à un processus cosmique synchrone. La matière, au niveau subatomique, est faite de patterns d’énergie qui deviennent constamment les uns les autres – telle une danse infinie de l’énergie.
Berendt montre par des exemples tirés de contes Zen, de citations de musiciens, et autres maitres spirituels, que le passage de l’oeil à l’oreille est en lien avec la transition vers des valeurs plus féminines. On passe de l’analyse à la synthèse, du savoir rationnel à la connaissance intuitive, de la domination/agression à la non-violence et la paix.
“De quoi le corps est il fait? Il est fait de vide et de rythme. Au coeur ultime du corps, au centre du monde, il n’y a rien de solide. Une fois encore, il n’y a rien que la danse.” George Leonard The Silent Pulse
Publié aux débuts des années 80, ce livre est toujours d’actualité dans son appel à une conscience renouvelée, plus à l’écoute de ce qui se passe à l’intérieur, comme à l’extérieur. Son travail sur la linguistique, la musique, la philosophie entraine notre esprit à établir des liens entre les différents savoirs, pour tisser toujours plus de cohérence, de sens.
Sound Mind
Borshch est un magazine berlinois à propos de la musique électronique sur et au delà du dancefloor. Chaque numéro observe, interroge, engage des conversations sur la production, l’écoute, la danse de ce type de musique. Les impacts artistique, social et politique de la musique électronique contemporaine sont questionnés en dehors du simple cadre du club.
Dans ce numéro, intitulé “Sound Mind” (Son Esprit), plusieurs interviews d’artistes musiciens, DJs, artistes, thérapeutes offrent un aperçu de la recherche actuelle de chacun, sur les liens entre son et esprit, musique et spiritualité. Ils expriment leur volonté de faire de la musique électronique la musique rituelle de notre époque (comme les musiques rituelles ancestrales, pre Judeo-Chrétienne). En musique expérimentale, il n’y a pas forcément utilisation de l’échelle diatonique, mais plutôt des demi-tons et quatre tons. Il s’agit de dépasser les conditionnements de nos oreilles, dans leur appréciation des harmonies (5eme et 7eme harmonies).
Un concept central est celui de résonance, défini comme étant la vibration ou la fréquence à laquelle un objet vibre naturellement. Chaque objet à une fréquence résonante, qu’on l’entende ou non (même mécanisme que les cellules et les éléments intra cellulaires qui vibrent constamment de manière dynamique). Les humains aussi possèdent une fréquence résonnante : tel un orchestre constitué des organes, des os, des tissues. Ce phénomène est appelé “bio-résonance”. La fréquence résonante personnelle de chacun peut être considérée comme une harmonie, c’est-à-dire la somme totale de toutes les fréquences qui résonnent.
Fréquence + intention = guérison.
Le contentement ne mène pas à l’Eveil. “
A lire si vous êtes intéressé.e par la musique électronique, au delà du simple boom boom, les vibrations apportent soin et salvation pour quiconque les écoutent, les dansent. Cette lecture est également riche en références théoriques, et concepts : de quoi cultiver une connaissance toujours plus accrue de notre conscience en jouant avec les mots, les sons, les évocations.
Silence – Lectures and Writings
John Cage est un compositeur, poète et plasticien américain connu pour ses expérimentations musicales ayant influencé notamment le mouvement Fluxus. Inspiré par le Yi King (le livre des transformations), son processus artistique repose sur l’imprévisibilité et l’indétermination : le hasard joue un rôle prépondérant dans la production et l’exécution de ses pièces.
Ce livre est une sélection de certains des essais, articles et conférences de John Cage qui permettent de comprendre ce qui a nourri les oeuvres de cet artiste. Explorateur de nouveaux horizons musicaux, il théorise le processus de composition musicale en faisant appel au facteur chance, aux nouvelles sonorités électroniques et ambiant. Il célèbre ainsi la richesse de la vie.
Son utilisation du Yi King, le livre des transformations, en tant que moteur de sa démarche souligne le système complexe nécessaire à la création et exécution de ses oeuvres qui ne sont, chaque fois, ni tout à fait les mêmes, ni tout à fait autres. Ses textes sont pour la plupart méta, c’est à dire que ce sont des textes au rythme particulier qui traitent du rythme (de l’existence). Ainsi, ils deviennent objets de performance : une performance littéraire, de lecture, que chacun peut faire sienne pour se nourrir, se divertir.
La philosophie Zen qui oriente le travail de Cage nous rappelle que la vie est un processus et c’est sur ce modèle qu’il crée. Pour Cage, l’art existe pour que nous ayons une conscience plus aiguë de la vie : l’union de la multitude de possibilités et du chaos que chacun doit ordonner.
A propos des sons – Nouvelle musique : nouvelle écoute. Non pas une tentative de comprendre quelque chose qui soit dit car si l’on disait quelque chose, les sons prendraient la forme des mots. Simplement une attention à l’activité des sons.
Contrairement à l’escargot,
nous portons notre foyer
en nous.“
A lire pour approfondir son appréciation du silence, trop rare de nos jours. Les nombreuses anecdotes de l’artiste, tirées de ses rencontres avec d’autres avant-gardes ou de contes Zen, offrent à l’esprit de quoi savourer un aléas littéraire. Dans ses textes, comme dans ses oeuvres sonores ou visuelles, John Cage nous donne à voir et à entendre tout ce qui surgit dans la vie.