
Corps raccord
Yoga Book Club chez Mirz Yoga, Janvier 2020
Le corps… notre enveloppe, notre maison. Loin de notre héritage cartésien, le yoga nous (ré)apprend que le corps est relié à l’esprit par le souffle. A l’heure où les images de corps retouchés saturent le paysage médiatique, nous pouvons être amené.e.s à développer des relations ambigus avec cette “machine”. Le discours médicalisé dans lequel j’ai grandi a renforcé cette aliénation. C’est à force de répétition, d’expériences d’union entre corps/esprit/souffle que j’ai pu petit à petit revenir à cette matérialité, cette réalité organique qui me permet d’exister.
En Katonah Yoga®, on nous rappelle que le corps est fait selon certaines proportions qui se retrouvent dans les autres et l’Univers. C’est en travaillant sur ces mesures que l’on peut par la suite se mesurer au monde.
The Spark in the Machine: How the Science of Acupuncture Explains the Mysteries of Western Medicine
Le docteur Daniel Keown est un médecin britannique et acuponcteur qui travaille à Tunbridge Wells. Il oeuvre à démocratiser l’utilisation des principes de la médecine chinoise pour traiter les patients occidentaux.
L’étincelle dans la machine, ou comment la médecine chinoise offre une nouvelle conception sur le fonctionnement du corps humain, du vivant. La médecine occidentale considère peu les fascias, les fluides extra-cellulaires, certains pans de l’embryologie, le lien corps/esprit.
Dr Keown offre un rapide aperçu des méridiens et des six chaines principales associées aux Organes. L’ensemble s’articule autour de concepts philosophies mais également organiques tels que Qi, Jing (matière) et Shen (esprit). Pour simplifier, on peut dire que Qi, qui signifie air ou espace, est une énergie organisatrice. Comme l’électricité, Qi circule le long de pentes, de l’intérieur vers l’extérieur, en suivant la voie de la résistance la plus faible et ces inclinaisons sont formées dans notre corps par nos fascias. Les fascias sont comme les murs, les couloirs et les escaliers d’une maison, ils donnent de la structure et de l’espace à l’intérieur de notre corps. L’énergie glisse aisément le long de ces surfaces. La notion d’espace en philosophie chinoise est importante et elle se retrouve à l’intérieur de nous. En effet, l’espace entre les cellules est aussi important que les cellules elle-mêmes. Le fluide extra-cellulaire dans lequel ces cellules baignent est conducteur et permet donc une meilleure communication entre tous les éléments. Ce concept de fluide vivant n’est pourtant pas utilisé en médecine occidentale.
Une tasse est utile seulement quand elle est vide.”
A lire pour créer des liens entre connaissances occidentales et orientales, afin de stimuler nos conceptions du corps et du vivant. Les éléments de philosophie et de médecine chinoise permettent de comprendre différemment comment notre “machine” fonctionne. En intégrant certains principes, on devient plus intègre.
Beauté fatale – Les nouveaux visages d’une aliénation féminine
Mona Chollet est une journaliste et essayiste suisse. Depuis 2016, elle est chef d’édition au Monde diplomatique. Elle est également l’auteure de Chez soi. Une odyssée de l’espace domestique et plus récemment de Sorcières. La puissance invaincue des femmes.
Cet essai, qui tend à l’ouvrage militant, publié en 2012, dénonce plusieurs industries (mode, cosmétiques et média) qui enferment les femmes dans des rôles subalternes et les empêchent de véritablement s’émanciper. L’auteure joue sur le double registre d’un discours sociologisant, à travers de multiples références à des travaux sociologiques, historiques et anthropologiques (principalement américains) et d’un discours médiatique où ses exemples sont tirés de publicité, de séries TV. Par rapport au corps, et à l’éloge de la maigreur dans la presse féminine, elle dépeint les conditions de travail des mannequins dans le monde de la mode et de la haute-couture. A travers cette exemple, elle souligne l’obsession de la beauté féminine et la pression permanente qui pèse sur le corps des femmes pour s’y conformer. Ce fait sociologique semble empiéter sur la santé psychologique des femmes occidentales et dénote un paradoxe contemporain où la femme doit rester une (petite) fille (lui ressembler physiquement) mais doit aussi faire preuve de sex-appel, être séductrice. La femme contrôle son corps et reste ainsi contrôlée par des impératifs esthétiques aliénants.
Quels que soient ses efforts pour se faire toute petite, une femme prend toujours trop de place.”
C’est un ouvrage stimulant car il attaque plusieurs industries qui renforcent l’aliénation de la femme, mais je l’ai trouvé aussi dérangeant. Il dérange par ce qu’il dénonce mais également dans le ton, les rapprochements que Mona Chollet fait. On sort de cette lecture avec un sentiment d’énervement. Vous êtes prévenu.e.s!
Le Corps n’oublie rien: Le cerveau, l’esprit et le corps dans la guérison du traumatisme
Bessel Van Der Kolk est un psychiatre Américain d’origine néerlandaise et professeur à la Boston University. Il a fondé un centre pour traiter les traumatismes à Brookline, Massachusetts. Pendant plus de quarante ans, il a travaillé avec des patients souffrants de Stress Post Traumatique, terme apparu aux Etats-Unis après la guerre du Vietnam.
Cet ouvrage s’adresse à tous les traumatisés mais pas que. Le psychiatre nous rappelle que si nous n’avons pas conscience d’avoir un jour subi un ou des événements traumatisants dans notre vie, la mémoire collective de la société et de notre corps (au niveau de nos cellules) fait que nous pouvons souffrir. Dans le cas d’un psychotraumatisme diagnostiqué, il nous explique comment le système nerveux s’est reconfiguré et handicape le patient qui doit recourir à une régularisation externe (médicaments, psychotoxique, relation de dépendance) pour contrôler leurs peurs “viscérales”. Dès lors que l’on est incapable d’exprimer nos émotions, le psychiatre note une déconnexion (une dépersonnalisation) et un développement de troubles somatiques. Plutôt que d’avoir recours à des traitements médicamenteux, il propose de “fraterniser avec son corps” et “d’entrer en contact avec soi et les autres.” Les “voies de la guérison” selon ce médecin passe toutes par le corps (qui est “porte parole”!). Le Yoga y est mentionné (ainsi que la méditation de pleine conscience) car il permet d’apprendre à habiter son corps en modifiant les variabilité de la fréquence cardiaque mais surtout en aidant les personnes à retrouver un meilleur rapport à leur corps.
La voie de la guérison est le chemin de la vie”
C’est un ouvrage de référence pour quiconque souhaite comprendre les connexions entre le corps et l’esprit. Bien que sur le sujet des traumatismes, c’est un livre plein d’espoir qui fait l’éloge du pouvoir de transformation et de résilience dont l’homme est capable.